mardi 17 juillet 2012

Fauteuil 31

Le premier jurassien à être élu à l’Académie française. « Venez donc, Monsieur travailler avec nous à la Gloire du Roi nostre Protecteur, et à l’embellissement de la langue françoise. Vous y estes plus obligé qu’un autre ». Cette invitation à entrer à l’Académie Française formulée par l’abbé de Choisy, le jeudi 25 novembre 1723, s’adresse à un enfant du Jura : l’Abbé Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet. Cet homme d’église, né à Salins-les-bains le 1er avril 1682, restera dans l’histoire de la littérature comme un fin grammairien et un traducteur remarquable de l’œuvre de Cicéron. De pette noblesse, il entre chez les jésuites de Reims en 1700, après des études que l’on qualifie de brillantes au collège de sa ville natale. Là Il y fit la connaissance de Dom Jean Mabillon, principalement connu comme le fondateur de la diplomatique (étude de la structure des documents officiels : leur authenticité, leur date de création, leur classification, et leur valeur). Professeur à Dijon, il noue une amitié solide avec le président Bouhier, qui le pousse à monter à Paris. Dans la capitale, il se ferra remarquer par Boileau, qui deviendra un ami intime. Les jésuites lui confient un poste de professeur au collège Louis le Grand où il croise la route d’un jeune philosophe promis à un brillant avenir : Voltaire. Voltaire qui écrira plus tard à Jean Le Rond d'Alembert : « M. l'abbé d'Olivet ,... quand il était notre préfet aux jésuites il nous donnait des claques sur les fesses par amusement » L’abbé quitte la compagnie des jésuites en 1713. Il veut consacrer sa vie au travail intellectuel et à la littérature. Aux cotés des Anciens, il prend une part active à la célèbre querelle des Anciens et des Modernes. Toute sa vie, il restera hostile aux progrès et à la modernité. Son état d’esprit ferra de lui un des plus fervents détracteurs des encyclopédistes. Dépeint comme un homme brusque, sévère, au caractère bien trempé, il ne se pliera pas à la coutume qui veut que chaque candidat à l’Académie française visite les membres de cette illustre maison pour s’y faire connaître. Cela ne l’empêche nullement d’être élu le 5 août 1723, au fauteuil laissé vacant après la mort de Jean de La Chapelle. Sa réception se fit au Palais du Louvre le 25 novembre 1723. Il y fut accueillit par l’abbé de Choisy. Dans une lettre à son ami le président Bouhier, il confie « se tuer au travail », cela est si vrai que son assiduité aux séances de l’institution, lui vaut l’admiration de tous. Le 8 octobre 1768, à Paris, l’abbé d’Olivet rend son âme à Dieu. Il laisse derrière lui une œuvre remarquable, parmi laquelle il faut citer Son Histoire de l’Académie (1729), encensée par Voltaire ; Traité de la prosodie françoise (1737), Remarques sur la s française (1767, 1771, 1968), et parmi ses traductions citons Entretiens sur la natures des dieux (1731) et Pensées de Cicéron, traduites pour servir à l’éducation de la jeunesse (1744).

mardi 29 septembre 2009

Max Buchon, le Balzac comtois.


A la mort de cet illustre jurassien, Victor Hugo écrivit : « Il laisse comme poète une œuvre et comme citoyen un exemple ».
Maximilien Buchon, dit Max, né à Salins-les-Bains le 08 mai 1818, le fils de Jean-Baptiste, capitaine du Premier Empire et de Jeanne Marie Pasteur, est le premier de nos auteurs régionalistes. Il a ouvert la voie aux Louis Pergaud, Marcel Aymé, Louis Gerriet, André Besson. Redécouvert en 2005, lors de la réédition aux éditions du Belvédère de « Scènes de la vie comtoise », cet auteur fut l’invité d’honneur des journées du livre et du patrimoine de Salins qui se déroulèrent le 19 et 20 septembre. Cet hommage, rendu par sa ville natale est amplement mérité, tant la figure de ce jurassien est attachante et multiple.
Son ami Gustave Courbet, qu’il rencontrera lors de ses études au petit séminaire d’Ornans, et avec qui il publiera en 1839 à Besançon chez Louis de Sainte-Agathe l'éditeur de Destinée sociale, des Essais poétiques par Max B. avec des vignettes par Gustave C., saura très tôt le convertir aux idées défendues par Fourier et Considerant. Fougueux partisan de la République, il publie le 24 décembre 1848, dans le journal La Démocratie jurassienne une charge virulente contre le pape Pie IX et Louis Napoléon Bonaparte. Forcé à l’exil après le coup d’état du 2 décembre 1851, il se réfugie en Suisse, à Fribourg, où il avait suivi ses études chez les jésuites, puis à Berne. Il ne sera autorisé à revenir en France qu’en 1859, après que son ami Courbet, avec acharnement, ai défendu sa cause. Son engagement politique ne l’empêche nullement de mener une très brillante carrière d’homme de lettres.
De son œuvre de romancier, nous retiendrons sa trilogie romanesque : Scènes de la vie comtoise. Ecrite durant son exil en Suisse, elle se compose de : Le Gouffre gourmand ( Paris, 1854) ; Le Fils de l’ex-maire (Bruxelles, 1857) ; Le Matachin (Paris, 1858). Cette production lui valut d’être surnommé le Balzac comtois. Dans ces romans, aux scènes réalistes, il décrit avec un grand talent et une forte sensibilité les paysages jurassiens. Il excelle, également, dans la façon de décrire ses personnages, leurs attitudes, leurs parlers. C’est aux paysans, vignerons, villageois et à leur condition de vie extrêmement dure, de Max Buchon rend hommage dans ces romans, fidèle à ses principes fouriéristes.
Poète, son œuvre, retiendra l’attention de Victor Hugo, qui dans une lettre datée de 1862, écrit : « Je vous remercie, monsieur, je vous dois la révélation de mon pays natal. Vous m’avez fait connaître la Franche-Comté, je la vois dans vos vers vrais, vivants et frais ». Parmi ces ouvrages poétiques, retenons : Poésies comtoise (1862) ; Chants populaires de Franche-Comté (1863) ; Poésies alémaniques (1846). Enfin pour terminer ce rapide portrait, signalons son travail de traducteur d’auteurs allemands tel que Johan Peter Hebel, Jeremias Gotthelf qu'il fait connaître en France et les frères Grimm, dont il donnera une traduction fort estimée des Contes populaires de l'Allemagne.

jeudi 10 septembre 2009

Bruxelles rend hommage au père du Sapeur.

La Bibliotheca Wittockiana à Bruxelles, organise à l'occasion de l'année de la BD, une exposition consacrée aux prémices de la bande dessinée. Plus de 130 pièces d'édition populaire, publiées au XIXème siècle et au début du XXème, qui annoncent l'apparition de la bande dessinée sont exposées.
Cette exposition rend hommage à notre auteur comtois : Georges Colomb, à travers la présentation du Petit français illustré. Ce journal voit le jour en 1889. Il s'adresse aux écoliers sous forme de récits illustrés. On y découvre de personnages crées par Christophe (alias Georges Colomb)tel que le Sapeur Camenber ou bien encore le savant Cosinus qui rêve de voyages et invente des moyens de transports les plus farfelus qui soient.sans oublier la Famille Fenouillard
Cette exposition est visible à Bruxelles, 23 rue du Bemel jusqu'au 10 octobre 2009.

mardi 8 septembre 2009

Le créateur de la Bande Dessinée.


Georges Colomb (1856 -1945)

« L'œuvre de Christophe est une somme de fantaisie et de sagesse. Il évita toujours avec soin les platitudes moralisantes et éducatrices ». Raymond Queneau.
Georges Colomb, dit Christophe, nait à Lure (Haute Saône) le 25 mai 1856, dans une famille d’enseignants, son père est alors principal du collège de la ville. Bachelier ès-lettres dès l’âge de 16 ans, ès sciences à 18 ans, il sera licencié en mathématiques, en sciences Physiques et en sciences naturelles. Avec cette solide culture générale, il est nommé professeur au Lycée Condorcet à Paris puis au lycée Faidherbe à Lille. On le verra ensuite maitre de conférences à la Sorbonne et sous directeur du laboratoire de Botanique, toujours à la Sorbonne.
Lorsqu’il publie ses premiers dessins, en 1887 dans Mon journal , il est professeur de sciences naturelles et sous directeur du laboratoire de Botanique de la Sorbonne, il recourt au pseudonyme de « Christophe », clin d’œil à un autre Colomb célèbre. Deux ans plus tard, pour le Journal de la Jeunesse, il crée la Famille Carnouillet, qui n’est que l’ébauche de sa célèbre Famille Fenouillard, dont les aventures paraîtront de 1889 à 1893 dans les colonnes du Petit Français illustré.
Repris en album en 1893, la Famille Fenouillard, marquera toute une époque par son humour et par son vocabulaire extrêmement recherché, avec de nombreuses allusions culturelles scientifiques, historiques, littéraires. Le calembour, très présent dans ces œuvres, est toujours au service d’un humour loufoque, ironique, voir satirique. Parmi ces œuvres les plus remarquables, il faut bien sur citer le très fameux : Sapeur François Baptiste Ephraïm Camember, fils d'Anatole Camember et Polymnie Cancoillotte, né le 29 février 1844 dans le village imaginaire de Gleux-lès-Lure. Citons égale ment le Savant Cosinus sans oublier Plick et Pluck. Il sera l’illustrateur de récits tout aussi délirants que Le triomphe de Bibulus, les trois miracles d’Osiris de Normand Charles. Il est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique et un ouvrage très recherché sur Alésia, paru chez Marque-Maillard, sous le titre : La bataille d’Alésia.
Il meurt à Nyons (Drôme) en 1945, il est enterré à Asnières.
Très fin observateur de la société, inspiré par les images d'Epinal, en créant un équilibre entre le blanc et le noir, Georges Colomb peut être considéré comme le père de la bande dessinée moderne.
Photo : Georges Colomb, d’après le portrait de Maryse Latruco, 1931.

samedi 5 septembre 2009

Un gentilhomme des lettres.


Léon de Tinseau (1844-1921)
Il aurait pu occuper le 41ème fauteuil de l’Académie Française celui des Nodier , d’Olivert et Marmier.
Le comte Léon de Tinseau, fils d’Alphonse de Tinseau et de Luce de Thy de Milly, voit le jour à Autun dans une famille d’aristocrates fortunés, en 1844. Son oncle Paul et son père se sont construit une belle fortune grâce à l’exploitation marbrière à Damparis. Leur carrière dans ses beaux jours emploiera pas moins de 500 ouvriers. Quant à ses ancêtres, ils siégèrent aux Etats de Bourgogne, au Parlement, l’un d’eux fut évêque de Nevers. iIs sont alliés aux plus prestigieuses maisons comtoises comme les Bereur ou les Pétremand. On peut supposer que c’est grâce à cet héritage que Léon de Tinseau porta toujours fièrement les qualités de la race comtoise : la bonté d’âme, la franchise et la loyauté.
L’enfance de notre écrivain se passe dans le château familial de Saint-Ylie dans les faubourgs de Dole, antique château hérité de la famille Bereur, où est conservé la prestigieuse bibliothèque de l‘évêque de Nevers. Puis se fut les études au collège des Jésuites, à Dole, où il gagna l’estime de ses maître, en obtenant plusieurs prix de langue latine, et des accessits en instruction religieuse, français, grec , philosophie et en allemand. Après une licence de droit, il entame une carrière au service de l’état et se voit nommer sous-préfet de Saint -Jean -d’Angely (Charente-Maritime) en 1873. Mais, très vite, Léon de Tinseau sait que ce n’est pas sur les traces des grands serviteurs de l’Etat qu’il veut continuer à mettre ses pas. Il se sent attiré irrémédiablement vers la littérature et c’est en 1882 qu’il va publié son premier roman Robert d’Epireu. Il est suivi de beaucoup d’autres et toujours chez le même éditeur Calman Levy. On peut citer Alain de Kerisel (1883) ; La meilleur part (1885), Montescourt (1887) ; Charme rompu (1888) ; Dette oubliée (1895). Mais c’est avec Ma cousine Pot-au-feu qu’il reste dans la mémoire des amateurs de littérature du 19ème siècle. L’intrigue en est la suivante : Dirigeant d'une main ferme les sept membres de sa famille et sa domesticité, le patriarche d'une richissime famille aristocratique catholique accepte de recueillir la petite fille de son frère, fruit de deux unions non reconnues par la famille et dont les parents viennent de mourir. La pauvre enfant, âgée de sept ans, n'a que des tares aux yeux de la famille: sa grand-mère et son père n'étaient pas nobles, elle est anglaise, ne parle pas un mot de français, est laide au possible et pour couronner le tout... elle est protestante... Dans le château aux couloirs froids, où l'étiquette la plus stricte du régime monarchique d'avant la révolution a encore cours, la cohabitation commence...
Ce qui caractérise le style de Léon de Tinseau c’est la précision et la clarté des développements, c’est aussi un esprit d’analyse poussé, sans doute hérité de ses ancêtres juristes. Si malheureusement Léon de Tinseau est tombé dans l’oubli dans notre pays, il conserve au Québec une grande notoriété. Vous pouvez lire le roman Ma cousine Pot-au-Feu sur le site de la bibliothèque électronique du Québec : http://www. scribd.com

mardi 21 juillet 2009

Louis Laloy (1874-1944)


« Louis Laloy est l’homme le plus intelligent que j’aie jamais vu » Claude Debussy.
Né à Gray, le 18 février 1874, Louis Laloy est surtout associé au charmant village de Rahon, où ses ancêtres se sont installés en venant des Flandres. Après de brillantes études au Lycée Henri IV, il est admis à l’Ecole normale supérieure. Agrégé des lettres, il soutient en 1904 sa thèse de doctorat sur le thème : Aristoxème de Tarente et la musique de l’Antiquité. Dans le même temps, il suit les cours de l’Ecole des hautes-études et les cours de composition musicale à la Schola Cantorum sous la direction de Vincent d’Indy. Un an plus tard, il fonde avec Jean Marnold, le Mercure musical, puis dès 1906 enseigne l’histoire de la musique à la Sorbonne. En 1913, il devient secrétaire général de l’opéra et entre dans le monde littéraire par l’écriture du livret de l’opéra Padmavâti composé par Albert Roussel. En tant que musicologue, le grand mérite de Louis Laloy fut de faire connaître et d’imposer aux français le talent de Claude Debussy, avec qui, il entretient une amitié dès 1902. Claude Debussy vient plusieurs fois à Rahon, où il trouve l’inspiration. Il compose d’ailleurs une pièce pour piano qu’il titrera : Les Cloches à travers les feuilles. Ces cloches sont celles qu’il entendait à Rahon, bercer la vie du village. Louis Laloy, outre un très grand nombre d’articles, consacre à son ami un très bel ouvrage : Claude Debussy, édité en 1909. Tous ses souvenirs, Louis Laloy les retrace dans un très beau livre de mémoire intitulé : La musique retrouvée (1928). Cet ouvrage, remarquablement bien écrit, intelligent, vif, est encore de nos jours très recherché par les musiciens et les mélomanes. On le trouve encore parfois chez les bouquinistes.
L’autre grande passion de Louis, est la Chine. Il aime tellement cette culture, qu’il en étudie la langue, qu’il parle et écrit, comme un vrai mandarin, diront ses contemporains. Tout sera pour lui source de jouissance intellectuelle : l’art, la poésie, la philosophie et la musique, bien sur. Il devient alors l’un des plus fins connaisseurs de la civilisation chinoise. En 1931, il est envoyé en mission dans ce pays, parle ministère de l’instruction publique et des beaux-arts. Il publie plusieurs ouvrages sur la poésie et le théâtre comme : Le chagrin dans le palais de Han (1921), Légendes des immortels (1922). Le rêve du millet jaune (1935). Il meurt en 1944 et repose au cimetière de Rahon, avec auprès de lui son fils, Jean, grand serviteur de l’Etat.
Musicien, musicologue, philosophe, critique, journaliste, écrivain, hébraïsant, helléniste, sinologue, Louis. Laloy est le digne représentant des érudits d’autrefois.

samedi 14 mars 2009

Roger Vercel Auteur comtois ?

Roger Vercel est-il un romancier comtois ? La question peut se poser.
Dans le texte ci-dessous, il répond lui-même à cette question. Oui il est comtois et fier de l’être.
(Dans quelques jours vous retrouverez une notice complète sur ce comtois breton.)




« Je ne suis point, hélas ! aussi jurassien que je désirerais l’être. Et cependant, toute ma première enfance a été bercée par les beaux récits de Franche-Comté, car mon père, extrêmement fier de son pays, s’efforçait de m’en inculquer l’admiration et l’amour.
Cependant, après sa mort, ce ne fut qu’en 1916 que je pus réaliser mon grand désir de lier connaissance avec la région comtoise. Au cours d’une permission, échappé du front de la Somme, j’arrivai à Vercel, puis à Epenousse, par un beau matin de mars qui frottait assez dur les oreilles, puis d’un accueil réchauffant où se déchaînait toute la cordialité familiale, d’un pantagruélique et fin dîner où voisinaient les truites cueillis à la main au fond de leur trou, les charcuteries parfumées aux herbes de montagne, des pains d’épice qui tenaient haute place dans le dessert.
C’est à vingt ans que l’on devrait naître ! Je « renaquis » ce jour-là, et avec une émotion poignante et délicieuse, au milieu d’une famille nouvelle, brusquement découverte. Il y avait ceux qui étaient là, ceux qui étaient morts et qu’on faisait revivre pour moi, ceux qui étaient trop loin ou trop vieux pour être venus et qu’on évoquait, des oncles, des tantes, même des aïeux . J’avais l’impression de me trouver subitement comblé, je sentais que des sympathies qui erraient depuis longtemps sans trouver de but, venaient de converger sur moi, de se préciser, de se fixer. C’est à coup sûr une des émotions les plus douces de ma vie, et je la dois à la Franche-Comté.
Je profitai de ce voyage pour visiter « mes terres » ! je savais vaguement que mon frère et moi avions hérité quelques parcelles de prés, mais je me représentais bien mal ces trente ou quarante minuscules morceaux de terre, disséminés aux quatre coins de la paroisse, et que mon oncle tint à me faire connaître dans le détail. Ce tour du propriétaire fut exténuant, mais je ne me dérobai point, car c’était en même temps une magnifique promenade à travers les sites d’une émouvante beauté, une vision rapide de la vie paysanne que j’aime tant à surprendre. La visite achevée, mon vieil oncle me conjura de lui donner la préférence, si quelquefois je vendais « mes terres ». Je le promis et tins parole : le prix de ces nombreuses propriétés atteignit, je crois 1.200 francs, et, de l’avis général, c’était beaucoup trop payé !
La guerre, la vie m’ont tenu, depuis, éloigné de Vercel, de son joli clocher, de ses vallonnements, des pauvres maisons d’Epenouse, accrochées à un talus de terre. Mais on est toujours moins loin des sources qu’on ne le suppose. Quand je jette un coup d’œil sur mon œuvre, tout entière déroulée sous un nom clair et sonore du pays franc-comtois, je me demande si du Guesclin, les rudes capitaines de Terre-Neuve et du Groënland, si Conan lui-même, si tous mes héros tendus pour la lutte, raidis dans une énergie infrangible, ne sont point, au fond, d’authentiques Jurassiens. La mer, la banquise, la guerre, la vie leur crient comme à nous tous : « Rends-toi ! » Et, tout au long des pages de mes livres, ils ripostent goguenards et farouches, par le vieux refus des Comtois qui ne cèdent qu’à eux-mêmes, et à leur loi : « Nenni, ma foi ! ».

Roger Vercel.

In le Jura Français – Juillet Septembre 1957 N° 75.